Glumdavaÿ

Micro nouvelle écrite dans l'avion comme un songe au sujet de l'utilité des choses.

Glumdavaÿ était une planète particulière, statut qu'elle ne fut pas en mesure de conserver longtemps malgré tous ses efforts de planète.
Sa particularité tenait en la prochaine explosion de son noyau, cause inéluctable de sa destruction. 

Aussi, en prévision de cet événement et menée par quelques habiles multimilliardaires et autres célébrités inutiles, la population s'attela à la construction d'immenses vaisseaux interstellaires destinés à permettre de fuir ce monde natal en perdition. 
Un tel chantier réquisitionna la plupart des adultes valides de la planète, car tant l'extraction des matières premières nécessaires que leur transformation en matériau de construction, demandait une main d'œuvre gigantesque. Il est amusant de noter que c'était précisément ce genre d'activité outrancière qui mena Glumdavaÿ vers sa perte. Si ses habitants en débattèrent, personne ne se souvenait de la date, ils avaient statué à l'unanimité des directoires de leurs grandes entreprises d'exploitation que l'on n'eut su remettre en question les traditions qui menèrent la société glumdavaÿienne à maturité.
C'était donc en toute cohérence avec leurs us et coutumes que les Glumdavaÿiens achevaient leur planète avant de la laisser à son sort de planète qui ne sert plus à rien.

Force fut de constater, non sans fierté, la réussite collective quand sortirent des ateliers navals trois magnifiques astronefs aux dimensions dépassant celles de toute réalisation précédente.
On décida de marquer le coup. 
Comme une bonne fête permet toujours de faire passer un peu n'importe quoi aux masses dépassées par une pensée qui ne leur appartient pas, on organisa un tournoi mondial de flůnketuk.
Ce sport aux règles simples consistait à opposer deux équipes de joueurs sur une surface plane de taille suffisante à garantir le bon échange d'un objet sphérique en matière souple et rempli d'air. La surface était ceinte de tribunes dont on louait chaque siège à un tarif exorbitant, preuve tangible de sa valeur et d'un bon investissement. On dépensait sans compter les maigres subsides de crédits prévus à cet effet par les grandes entreprises glumdavaÿiennes nourries aux intérêts de prêt prohibitifs.
Que put-on y faire ? Le cœur a ses raisons que la raison ne comprend pas et le flůnketuk avait le pouvoir d'enflammer les deux. D'aucun en comparait les effets à la manière qu'un poliit battait de la queue quand on agitait un bâton devant ses yeux avant de le jeter au loin. 
Un poliit mâle. Les poliits femelles étaient dépourvues de queue et cela changeait du tout au tout leur rapport aux choses. 
Toujours fut-il qu'à l'issue de la finale mondiale et opportune de flůnketuk, on lança les trois vaisseaux interstellaires en grande pompe sous les acclamations du public où qu'il fût sur Glumdavaÿ. L'événement fut retransmis via le système de diffusion des images et du son, de dernière génération, vendu à tout un chacun pour cette occasion exceptionnelle.
Sous les yeux emplis d'émotion vive des Glumdavaÿiennes et des Glumdavaÿien, les quelques habiles multimilliardaires et autres célébrités inutiles abandonnèrent leurs congénères à une mort certaine. 
Pour l'anecdote, la construction des trois navires nécessita la majeure partie des dernières ressources naturelles que Glumdavaÿ pouvait encore offrir avant sa destruction. À bord, il n'y avait pas de place pour tout le monde, celle-ci étant allouée aux énormes entrepôts de stockage essentiels à la survie des occupants. On ne savait pas combien de temps durerait l'exode et quand bien même devait-il se dérouler en sommeil artificiel, mieux valait prendre ses précautions. 
Pour la petite cocasserie, deux des trois vaisseaux entrèrent en collision l'un avec l'autre avant d'avoir quitté l'orbite de Glumdavaÿ, ce qui provoqua sur la planète une véritable folie meurtrière, passé le choc d'avoir perdu tant de quelques habiles multimilliardaires et autres célébrités inutiles.
On accusa d'inexistants mouvements terroristes composés d'ouvriers qui osèrent, ce fut un comble, se demander s'ils ne s'étaient pas fait avoir. Clairvoyants, les quelques habiles multimilliardaires et autres célébrités inutiles avaient laissé en charge les classes moyennes qui s'assurèrent que l'on ne les vilipendait pas en leur absence. Les cadres dynamiques s'organisèrent en jury qui, soutenu par une majorité de la population, diffusa des procès et des mises à mort qui occupèrent tout ce petit monde jusqu'à l'explosion du noyau de Glumdavaÿ.

Tout cela n'était plus qu'un lointain souvenir dans l'univers, même plus une lueur visible par quelque instrument d'observation de sa galaxie, si tant fut qu'un tel objet y existât, que le dernier vaisseau glumdavaÿien atteignit une destination viable à son équipage. Par bonheur, on avait usé d'intelligence en répartissant dans les trois astronefs les quelques habiles multimilliardaires et autres célébrités inutiles.
Ceux-là débarquèrent l'esprit cotonneux sur une jolie planète luxuriante où les plus téméraires, au nombre de douze, furent dévorés par deux sauriens géants. Les survivants calfeutrés dans leur vaisseau périrent quand une météorite frappa la Terre marquant la fin du crétacé supérieur comme une conclusion de film hollywoodien. 
Avec tout l'argent qu'ils ont mis là-dedans, tout ça pour ça. 

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