Evariste par Olivier Gechter
Comme pourrait dire Otis le scribe, je dirais qu'une lecture est d'abord une histoire de rencontre. J'ai rencontré Olivier Gechter sur Twitter à un moment où je ne pouvais pas, au travers de quelques-uns de ses tweets, je ne savais pas s'ils étaient l'œuvre d'un homme au caractère acide ou d'un pince-sans-rire franchement drôle.
Le monsieur a un don pour brouiller les pistes de la limite frontalière de la matière. Constatant qu'il sait mêler l'un et l'autre aspects d'une même personnalité avec aisance, à force de fréquenter ses micro-blogs, me voilà intéressé par cet Olivier Gechter. Oh, le gaillard est joueur d'échecs et prend au sérieux une vanne sur le gambit du roi. Vanne qu'il n'a sans doute toujours pas goûté à sa juste valeur. Nonobstant ce travers, v'là t'y pas que je m'abonne à son profil.
Au détour de bêtises que nous sommes quelques-un(e)s à raconter sur ce réseau (look forward #TeamLaitDeCoco pour un humour capable de pourrir votre Time Line), il me conseille d'écouter un podcast dont il est l'un des créateurs avec Vincent Corlaix et Dimitri Régnier. Leurs avatars sont les agents du Bureau of Insondable Organisation créé pour archiver et diffuser les vérités cachées afin d'édifier l'humanité (sic).
Bien évidemment, j'engage quiconque me lirait à écouter les archives sonores de cet organisme secret, car le monde doit sachoir (re-sic). Sans compter qu'il serait temps de se sortir les doigts des oreilles, il y a déjà trois saisons disponibles et la quatrième arrive en septembre de cette année.
Ainsi, qu'il collabore avec ses copains ou qu'il travaille seul, Olivier Gechter est créateur de choses drôles, entre autres. Ce n'était pas gagné d'avance, car il est ingénieur dans le domaine du nucléaire, niveau à faire des conférences, tu vois l'genre. Cela se passe de commentaire même de la part d'un(e) expert(e)-comptable ou d'une chaussure funèbre, d'autres professions très chiantes à supporter lors d'un après-midi de pétanque ou d'une orgie romaine, activités destinées à nous faire oublier le si lourd quotidien de nos vies monotones.
Peu de temps avant ce conseil de Podcast, cela dit maintenant pour ne respecter aucune chronologie et mieux vous perdre, je découvre à notre surprise mutuelle qu'Olivier est auteur de romans et de nouvelles. Ooooh ! Mettons cette trouvaille tardive sur le compte de sa modestie et sur celui de mon absence de curiosité, symptomatique d'une Génération X nombriliste nihiliste d'après ses détracteurs qui l'accusent de booming.
Comme je l'ai déjà fait avec celles et ceux que j'appelle des copines et des copains d'internet (Céline, Nelly, Alex et d'autres), je demande à Olivier de me conseiller l'un de ses ouvrages pour connaître ce qu'il écrit.
Sans hésitation, pif, paf, il me suggère Évariste.
Quel redoutable et efficace esprit commercial anime cet homme au pragmatisme diabolique !
En bon scientifique qu'il est, nul doute qu'il a calculé les probabilités que le premier ouvrage daté de 2009 me plaise au point de me faire acheter le suivant publié treize ans plus tard. Eh oui, cet auteur polyvalent a publié le 1er juillet 2022 la suite intitulée Requiem en catastrophe majeure aux éditions Mnémos.
Ci-dessous la preuve irréfutable du machiavélisme de ce monsieur et de l'absence totale de hasard dans ses actions que l'on peut qualifier de mafieuses.
D'ailleurs, la date aléatoire du 01/07/2022 donne 1+7+2+2+2 = 14, 1+4 = 5, le même nombre que les doigts d'un main. Ha ! On révèle ainsi l'implication de l'auteur dans divers complots internationaux et activités douteuses.
Maintenant que nous avons mieux cerné son profil criminel, intéressons-nous à son bouquin.
Qu'est-ce que raconte Évariste ?
Au sein d'un immeuble de bureaux, comprenez une pépinière d'entreprises, peine à trouver sa légitimité le cabinet d'ingénierie en occultisme industriel et commercial d’Évariste Cosson.
Tant mieux, cela lui offre toute latitude à saisir ce marché de niche.
Si sa jeune société connaît un démarrage fastidieux, les choses pourraient changer grâce à l'appel d'une nouvelle cliente qui charge Évariste de recruter des personnes aux talents particuliers, paranormaux.
Oooh !
C'est le point de départ d'une affaire aux dessous mystérieux, à la consommation aussi répétée qu'involontaire de cafés de qualité aléatoire, aux messages écrits, oraux, physiques et surnaturels, aux rencontres déroutantes, voire dangereuses, à la magie et à l'ingénierie.
C'est justement ce concept de cabinet d'ingénierie en occultisme industriel et commercial m'a de suite séduit. En sept mots aux allures de termes sérieux, on devine que l'auteur nous propose un abîme d'humour et il ne déçoit pas. C'est là l'un des traits qui caractérisent à mes yeux son écriture : elle est nette, efficace, sans fioritures et, si tu ne comprends pas ce qui n'est pas énoncé, c'est que tu as mal lu. C'est carré, c'est ingénieur.
Comme il travaille dans le nucléaire, tu imagines qu'Olivier Gechter fera bien péter un truc ou deux à un moment de son livre et tu as bien raison. Nous devons tous assouvir nos envies profondes pour éviter qu'elles ne se transforment en frustrations. Merci Olivier de passer les tiennes dans tes écrits et de nous épargner un holocauste nucléaire.
Aussi, c'est non sans joie de vivre que je me suis attaqué à la lecture d’Évariste.
Dès les premières pages, j'ai pu vérifier l'adage qui prétend que personne n'est parfait et qu'Olivier Gechter ne fait pas exception. Il vit à Paris. Attendez !
Conscient qu'il vaut mieux tourner un défaut à son avantage et plutôt que déménager comme le fit mon père en 1976, Olivier a placé l'action de son roman dans cette bourgade du centre de l'Île de France. Pour ne pas dire qu'il l'étale dans tous les sens au rouleau à pâtisserie de son talent.
Ses descriptions sont courtes et, sous couvert d'un réalisme maîtrisé, Olivier saupoudre notre capitale d'une saveur fantastique qui m'a rappelé Londres dans Neverwhere de Neil Gaiman. Ce décor laisse la place nécessaire aux personnages et à l'aventure, rendu vivant au travers de la narration à la première personne. Evariste est notre guide.
Qui est Évariste ?
Je le vois comme un homme de ma génération (X, donc) avec toute l'assurance dont il est capable malgré ses doutes, toutes ses maladresses en dépit de ses efforts. Il sait avouer ses défauts et ses écarts avec sincérité autant que balayer toute contradiction qui lui semblerait injuste, à tort ou à raison. S'il a à cœur de tout maîtriser, il est conscient ne pouvoir le faire. Il traîne quelques souvenirs marquants sans pour autant en souffrir outre mesure. Ajoutons que sous son faux aspect d'endive ou d'asperge, Évariste se révèle être un personnage plutôt badass.
En tous les cas, c'est au fond un type bien. Il a conscience de ne pas dominer grand'chose vis-à-vis des femmes et c'est l'un de ses traits de caractères que j'apprécie le plus. C'est, à mon goût, un savant mélange de clichés et de modernité dans lequel je confesse le reconnaître.
Parlons des femmes d'Olivier. Toutes sont fortes, bien campées et ne sont pas caricaturales. Elles n'ont pas, à priori, d'histoires sombres qui auraient forgé leur tempérament et c'est très appréciable. Elles se distinguent de certains hommes que l'on croise dans le roman quand bien même ils prétendraient le contraire. Elles occupent toutes une place de choix dans l'intrigue.
Et l'histoire, justement ?
Eh bien, elle est solide et bien menée. Elle démarre en toute tranquillité, monte crescendo et ne déçoit pas quand elle touche à sa fin. Elle n'a pas d'issue tonitruante, mais elle m'a satisfait et surtout ne m'a pas fait penser "tout ça pour ça". Si elle me semble un peu rapide et facile, elle ne m'a ôté aucun des excellents moments que j'ai passés en compagnie d'Évariste et je ne doute pas en connaître d'autres avec Requiem en catastrophe majeure. Ça, Olivier le sachait très bien, ce fourbe d’ingénieur.
Pourquoi ? Parce que ce petit plaisantin de tête d'ampoule atomique a créé d'autres personnages qui accompagnent son héros. Tous forment une savoureuse galerie de tronches diverses et de caractères variés que l'on visualise avec facilité grâce au talent de l'auteur.
Si ce n'est déjà fait, il est donc grand temps de suivre les aventures d'Évariste.
Merci de m'avoir lu, avec des bisous.
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